44e Régiment de Sapeurs Lanciers
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Les Corsaires de l'Eolypile (par Nade)

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Les Corsaires de l'Eolypile (par Nade) Empty Les Corsaires de l'Eolypile (par Nade)

Message par Gérard Bouchard Lun 14 Déc - 18:02

Partie 1

https://www.youtube.com/watch?v=eDvJog64wso


C'est par Héron d'Alexandrie que tout a commencé. Qui aurait put se douter que l’éolipyle, ce jouet créé par un Grec au cours du Ier Siècle de notre ère changerait à ce point la face du monde ?
La vapeur est une énergie formidable, d'une force incroyable, et disponible à l'infini. Les Romains le comprirent très vite et on pu rapidement voir des machines de guerre mues par cette forces hanter les champs de bataille d'alors. Des tours de sièges gigantesques, se déplaçant seules, des balistes qui, grâce à la puissance de la pression, tiraient d'énormes projectiles à des distances jamais vues... Jamais une civilisation antique n'avait été si puissante.
Mais les Romains gardaient leurs secrets jalousement, même la Rome Orientale n'avait pas accès à cette technologie, si bien que, lorsqu'il disparut au Ve siècle, l'Empire Romain emporta avec lui le secret de la vapeur.

Il faudra attendre la Renaissance Italienne pour qu'un certain Leonardo Da Vinci lui redonne ses lettres de noblesse. Il créé d'abord des systèmes simples: de petits bateaux dont la vapeur actionne les roues à aubes, des chariots automatiques...
Mais il a bientôt l'idée de s'en servir sur ses prototypes d'armes de guerre. Il présentera ses projets à François Ier, mais ce dernier, peu convaincu par la fiabilité de ces engins, et trouvant la poudre noire bien plus puissante, mettra un terme aux recherches de Da Vinci.

Cependant la vapeur a gagné sa place dans les manufactures. L'Europe commence à s'industrialiser vers 1515.
Mais c'est l'Ecossais James Watt qui révolutionnera le système en 1763. Avec lui les moteurs à vapeur deviennent plus puissant, plus gros, et surtout plus fiable. En un siècle, et dans toute l'Europe, les usines se multiplient. Bientôt, tout le nord d'e l'Angleterre n'est plus qu'une immense zone industrielle. Dans le Nord de la France, les mines de charbon se modernisent et leur rendement est décuplé.
Le charbon, qui sert de combustible devient alors ce que l'on appelle encore aujourd'hui "L'Or Noir".
Mais cette industrialisation de masse sera à l'origine du "Grand Nuage". Un nuage créé par les rejets des usines et les fumées de charbon. Il s'étend sur une majeure partie de l'Europe, principalement an dessus de l'Angleterre, de la France, et de la Germanie Rhénane.

En 1848, l'Empire Britannique décide de revendiquer la totalité du désert du Sahara. Cette immense étendue sans vie est en effet vue comme le lieu parfait pour implanter des usines sans contrainte de place. Le but secondaire est également de faire disparaître la Nuage Gris du ciel de l'Europe. Très rapidement, d'immenses usines sont fabriquées, des manufactures colossales, 10 à 15 fois plus importantes que les plus grandes d'Europe. Des millions de tonnes d'acier sont convoyées sur mer et sur terre pour réaliser ce projet fou.
Mais la France et la nouvelle Coalition Germanique ne voient pas cela d'un bon oeil et veulent leur part du gâteau. La guerre est imminente.
C'est à ce moment que l'on retrouve l'utilité de la vapeur militaire.
Très vite, les 3 nations comprennent que les conditions climatiques et le terrain ne permettront pas l'engagement des armées conventionnelles de l'époque, il faut trouver des armes rapides, puissantes, et évitant l'engagement de troupes au sol :
Le 17 mai 1850, l'Austerlitz s'élève au dessus de Paris. Cette immense montgolfière équipée des armes les plus puissantes que produisent les manufactures est propulsée par 4 moteurs à vapeur.
Il faudra 6 mois pour que les 3 belligérants développent leurs nouvelles "flottes". Les Britanniques remplacent les montgolfières par des coques de navires soulevées par des ballons gigantesques tandis que les Allemands (la Coalition Germanique prend le nom d'Empire Allemand en Novembre 1850) parviennent faire s'élever des tonnes d'acier dans les airs, permettant de blinder leurs vaisseaux.

La Guerre du Ciel de Feu éclate en 1851, les flottes des 3 pays s'affrontent pendant 8 mois au dessus de l'Afrique Saharienne. Le 3 Septembre 1852, ruinés et affaiblis (la guerre aura coûté la vie à près de 300 000 hommes embarqués dans les dirigeables de combat, mais aussi à 500 Francfortois, tués lors du bombardement de la ville par les Français, seul acte de guerre en dehors de la zone saharienne de tout le conflit), les 3 belligérants signent un acte de paix et proclament la non exploitation des zones désertiques à but industriel.
La multiplication des usines en Europe reprend, la médecines et la science font des progrès faramineux.
Mais alors que les plus pauvres s'entassent, toujours plus nombreux, dans des ghettos sordides dans les plus bas niveaux des villes, le Nuage Gris vire petit à petit au noir.

Aujourd'hui, en 1867, rien n'a changé.

Comme tous les matins, James Edan, vétéran du Ciel de Feu, sort de chez lui. Il a tout perdu quand il a été blessé par un raid pirate au dessus de Glasgow. La Royal Air Navy lui a remplacé son bras perdu par une prothèse en cuivre et l'a remercié. Il vit au plus bas de la ville. Et comme tous les matins, il lève les yeux vers un ciel qu'il ne voit pas, c'est à peine s'il distingue le Nuage au delà des cheminées et des usines qui s'entassent sur les niveaux supérieurs. Il essaye de capter un rayon de soleil qui se serait frayé un chemin jusqu'en bas. Et comme tous les matins, il baisse la tête, soupir, remonte le col de sa vieille veste d'officier, enfoui ses mains dans ses poches et se dirige quelque part, sans savoir où, pataugeant dans la boue, se glissant entre les masses fantomatiques qui se rendent dans les usines et celles qui en sortent, reproduisant leur balai quotidien, celui des villes industrialisées et modernes



Partie 2

«Non, non, non ! Pas aujourd'hui ! »

Henry Daniel courrait aussi vite qu'il le pouvait. Il parcourait à toute vitesse les rues de Londres en direction de L'Amirauté de la Royal Air Navy. Le ciel était presque dégagé au dessus de la Capitale ce matin là. Londres était resté peu industrialisée en comparaison des villes du Nord, le nuage qui la surplombait était d'un gris très clair, presque translucide à certains endroits.
La ville était également dotée d'une flotte de nettoyeurs gigantesques. De grosses embarcations qui parcouraient le ciel en permanence afin d'en dégager la majeure partie à l'aide de titanesques souffleries montées à l'avant de celles-ci.

Tenant fermement son sabre dans la main gauche et maintenant sa casquette d'officier sur sa tête de la droite, le Lieutenant de Vol passait en trombe devant des passants qui le regardaient étonnés avant de retourner vaquer à leurs occupations.

La Haute-Londres était étincelante, ses rues recouvertes de pavés blancs, les manoirs et bâtiments officiels qui bordaient ces mêmes rues portaient colonnades de marbre et baies vitrées démesurées au travers desquelles on apercevait les salons des riches marchands et entrepreneurs. Tout n'était que lustres en cristal et boiseries exotiques, trophées de chasse et dorures. Un univers aseptisé, coupé de la basse ville, de ses allées insalubres et de sa populace en guenilles.

Le veston d'Henry, noir aux revers rouges, uniforme réglementaire de la RAN, et affublé d'une épaulette dorée du côté gauche, battait derrière lui.
Il courrait depuis 10 minutes quand il arriva devant l'Amirauté. A l'entrée, 2 gardes, vêtus d'une veste d'apparat noire, parée d'argenté, d'un pantalon blanc immaculé, de bottes montantes en cuir brun et d'un casque colonial blanc, se mirent au garde à vous devant son passage , faisant claquer leur Martini-Henry sur le sol. Les imposants fusils étaient équipés d'une machinerie complexe, permettant l'accroissement de la précision, de la puissance et de la maniabilité de l'arme, en en diminuant le recul.

Bien qu'il avait cessé de courir Henry garda une allure soutenue le reste du trajet. Il croisa un groupe de cadets et d'aspirants qui le saluèrent d'un signe de tête. Il les remarqua à peine, trop occupé à réarranger sa tenue, sa folle course l'ayant complètement débraillé.
Il traversa la cour intérieure, s'engagea sous les arcades, prit une fois à gauche, puis deux fois à droite. Il poussa la lourde porte blanche et s'engouffra dans le hall.
De très nombreux portraits d'officiers et de navigateurs célèbres recouvraient les murs blancs de la pièce, éclairée par une unique et colossale chandelier en argent et cristal. Une horloge mécanique remplissait l'air de son « tic-tac ». Il en regarda le cadran : 10h37

« Mince ! » dit-il à mi voix.

Il monta les marches du grand escalier 2 à 2, manquant de renverser un Caporal un peu trop distrait pour le remarquer.
Il trottina jusqu'au bout du couloir, et frappa à la porte :

« Entrez » fit une voix grave de l'autre côté de celle ci.

Henry l'ouvrit en entra timidement. La casquette sous le bras il salua l'homme qui lui fit signe de s’asseoir.

L'Amiral Pembleton était un homme imposant, tant pas son charisme que par son physique. Il dépassait d'une bonne tête tous les sujets de sa Majesté, et son ventre rebondi avait du mal à trouver pantalon à sa taille. Sa poitrine bardée de médaille en disant long sur sa carrière. Il écrasa son cigare et s'adressa à Henry :

« Lieutenant Daniel, vous êtes quelqu'un de très compètent, l'un de nos officier les plus prometteurs, et un meneur d'hommes des plus talentueux. Alors pourquoi diable vous obstinez vous à enfreindre le règlement à la moindre occasion »

Henry jouait nerveusement avec sa casquette, ses mains étaient de plus en plus moites, et son visage de plus en plus pâle.

« Vous avez été prévenu à plusieurs reprises. Heureusement pour vous, vos états de service vous ont toujours sauvé la mise »

Lâchant sa casquette, il passa une main tremblante dans ses cheveux châtains, jusqu'alors impeccablement coiffés en arrière.

« Vous savez qu'il est interdit aux officiers de votre rang de fréquenter les établissements de la Basse-Ville, vous le savez non ? Et pourtant on vous a encore vu en sortir ivre il y a moins d'une semaine. L'homme qui vous a dénoncé, un matelot de 78e Escadrille a été félicité, puis fouetté, la délation n'est pas acceptable dans notre métier. Vous vous doutez cependant que je n'ai plus d'autre choix aujourd'hui que de vous mettre à pied. La sanction prend effet immédiatement et ne sera levée que quand l'Amirauté l'aura décidé. »

Henry avait la gorge nouée et avalait difficilement sa salive.

« Parce que j'ai énormément d'estime pour vous, je vous octroie le droit de conserver vos effets. J'espère que tout ceci vous servira de leçon et vous remettra dans le droit chemin. »

Henry se leva, salua l'Amiral et quitta la pièce. Il ressorti de l'Amirauté, passant devant les 2 mêmes gardes qui répétèrent leur chorégraphie.

Il marche de longues minutes dans la ville, avant d'entrer dans un des nombreux jardin sous cloche de verre de la ville et de se laisser tomber au pied d'un petit saule.



Au même instant, un homme entra dans le bureau de l'Amiral, ce dernier, le voyant, bondit de sa chaise pour aller lui serrer la main :

« -My Lord, que me vaut le plaisir...

- Asseyez vous Pembleton, je dois m'entretenir avec vous d'un sujet... délicat »


Partie 3

Comme tous les matins, James Edan, vétéran du Ciel de Feu, sort de chez lui. Il a tout perdu quand il a été blessé par un raid pirate au dessus de Glasgow. La Royal Air Navy lui a remplacé son bras perdu par une prothèse en cuivre et l'a remercié. Il vit au plus bas de la ville. Et comme tous les matins, il lève les yeux vers un ciel qu'il ne voit pas, c'est à peine s'il distingue le Nuage au delà des cheminées et des usines qui s'entassent sur les niveaux supérieurs. Il essaye de capter un rayon de soleil qui se serait frayé un chemin jusqu'en bas. Mais contrairement aux autres matins, ce jour là il avait reçu une bien étrange lettre tamponnée du blason de la RAN.
Plus intrigué qu'enthousiaste il avait jeté quelques affaires dans un vieux sac de marine rapiécé, remit ses décorations en place sur sa veste et coiffé son tricorne.
Il s'était rasé de près, à l'exception de sa moustache, dont le noir profond tranchait avec la couleur argentée des cheveux qui tombaient en cascade sur ses épaules.
Il remontait tranquillement la ruelle en direction des quartiers intermédiaires de Newcastle. Soucieux de garder ses bottes propres, il évitait de marcher dans les flaques qui jalonnaient son parcours. Sur le chemin, il lisait et relisait la missive :

« Sergent,
Vous avez servi la Royal Air Navy de nombreuses et glorieuses années, faisant preuve de dévouement et d'engagement.
Vous êtes convoqué ce jeudi à l'Amirauté de la RAN. Vous pouvez décidé d'ignorer cette convocation, mais vous seriez alors rayé des listes de la RAN et vous pensions ainsi que vos décorations vous seraient retirées

Cordialement, Amiral Pembleton
blabla... »

Une fois sa 24eme lecture terminée, il replia la lettre qu'il glissa ensuite dans sa poche.
La gare n'était plus qu'à quelques minutes de marche.
Il rentra dans le bâtiment de briques et d'acier d'où s'élevaient de grands panaches de fumée blanche, contrastant avec le gris foncé du Nuage.
La Newcastle Central Station grouillait de monde. Les flux incessants de voyageurs et d'ouvriers rendaient la circulation quasiment impossible. Le bruit grondant des Autorails en gare et la bouillie sonore que des centaines de voix produisaient na faisant que rendre l'endroit encore moins accueillant qu'il ne l'était déjà. La chaleur, la saleté, les odeurs, le bruit, tout ici pouvait rendre fou un homme.

Après avoir joué du coude pendant près d'1h, James parvint à atteindre un guichet.
Il fouilla dans sa poche et en sorti un peu d'argent :

«-Londres, aller simple, 5eme classe.

- Départ dans 13 minutes, quai L »

Il saisit le précieux billet dans sa main mécanique et le glissa dans sa poche. Il s'engagea dans une foule se déplaçant dans la direction voulue, progressant pas après pas, épaule contre épaule. Il se dressait de temps à autre sur la pointe des pieds pour vérifier la distance qu'il lui restait à parcourir avant de pouvoir, enfin, monter à bord du wagon.
Le calvaire prit fin au bout de minutes interminables, mais ce ne fut que pour laisser sa place à quelque chose d'encore pire. Près de 40 personnes entassées dans ce petit wagon, assis les uns sur les autres sur des bancs de bois misérables, suffocant tant l'air était chaud et irrespirable, les quelques malheureuses et minuscules ouvertures ne suffisant pas à aérer le wagon.


Après 15h de voyage, le convoi s'arrêta enfin en gare de London Bridge, dehors, une nuit sans lune plongeait la basse ville dans l'obscurité la plus totale .
Située dans les quartiers bas de Londres, cette gare donnait sur la Tamise. La rivière dégageait une odeur de putréfaction qui envahissait une bonne partie du quartier. Les petits bâtiments de bois et de pierre grise s'entassaient les uns sur les autres, ne laissant que d'étroites allées pour circuler.
Par moment on pouvait entendre des bruits de pas dans les ruelles, le taux de criminalité était extrêmement élevé dans ce genre de quartiers, s'y promener seul la nuit était très fortement déconseillé.
Heureusement pour lui, James arriva sans encombre jusqu'à une auberge, ou en tout cas, quelque chose qui y ressemblait. Le concierge somnolait sur une table. James se racla la gorge pour signaler sa présence.  L'homme sursauta :

« Vous faut quelque chose monsieur ?

- Une chambre, et si il reste de quoi manger et de quoi boire, je prends aussi.

- Attendez voir 1 minute, je vais voir ce qu'on a. »

Il farfouilla quelques minutes sous son comptoir et en sorti une miche de pain et une bouteille de vin épais et noirâtre.

«  Ça vous ira ?

- Ouais, ça va aller.

- La chambre est à l'étage, vous trouverez bien tout seul. Ça vous fera 3 livres. »

James déposa la somme sur le comptoir, saisi les vivres et se dirigea vers la chambre.
La journée du lendemain marquerait un tournant dans sa vie, mais ça, il ne le savait pas encore.



Partie 4

La nuit fut courte. James avait cogité toute la nuit, imaginant tous les scénarios possibles, s'attendant au pire et espérant le meilleur. Allait-on lui rendre sa place ? S'agissait-il d'un traquenard quelconque ? Il ne trouva aucune réponse le satisfaisant malgré ses heures de réflexions.

Comme à son habitude, il se leva sur les coups de 6h. Il enfila son vieil uniforme, ajusta ses décorations, et sorti de la chambre. Il galopa dans les escaliers et traversa d'un pas assuré la petite pièce qui servait de salle à manger. Le plancher craquait sous ses pas tandis qu'il se dirigeait vers la porte. Une fois dehors, il fit une grimace, écœuré par l'odeur que dégageait la Tamise, mais, quand il leva les yeux vers le ciel, il put enfin apercevoir, après bien longtemps, un coin de d'azur et quelques rayons de soleil au dessus de sa tête. Il resta là, à contempler les cieux jusqu'à ce que sa rêverie soit interrompue par une bousculade, Londres se réveillait, les rues se remplissaient de bruit et de gens qui taillaient leur chemin dans la foule.

Pressé de sortir de cette masse  il se mit à avancer à grandes enjambées vers l'avenue principale qui remontait vers les quartiers supérieurs de la ville.
Il atteint la ville intermédiaire en une douzaine de minute. Il s'était retrouvé dans un petit quartier commerçant dont la plupart des échoppes étaient encore fermées à cette heure. Une odeur alléchante  parvenait jusqu'à ses narines, l'odeur du pain chaud et des brioches qu'on vient de cuir. Il parcouru la rue des yeux afin d'en déterminer la provenance. La boulangerie se trouvait à quelques mètres de là, il s'en approcha. Arrivé devant la petite boutique, il glissa une main dans sa poche afin d'en sortir quelques pièces. Un coup d'oeil rapide lui suffit à voir qu'il n'aurait pas assez. Il s’apprêtait à rebrousser chemin quand on l'interpella :

« -L'ami ! Attends. »

Le boulanger, qui ne devait pas dépasser le mètre 65, lui faisait signe de se rapprocher.

« -Pars pas comme ça, j'ai reconnu ton uniforme, il date pas d'hier celui-ci. Ciel de feu ?

- C'est ça.

- J'ai connu, j'y ai servi. Tu as l'air d'avoir accompli de grandes choses »

L'homme ne quittait pas du regard « Silver Winged Anchor », seconde plus haute distinction chez les équipages d'aéronef, épinglée sur la poitrine de James

«  - Il paraît, oui.

- Et c'est là bas que tu t'es fait ça, lui demanda l'homme en désignant son bras mécanique d'un signe de tête ?

- Non, des pirates, au dessus de l'Ecosse, ils m'ont pas loupé ce jour là. »

Il toucha du bout des doigts la cicatrice qui traversait son visage.

«  -Écoute camarade, je peux pas laisser un homme le ventre vide, surtout un homme qui a connu le feu et en a payé le prix. Attends un instant. »

Le boulanger fit l'aller retour jusqu'à son atelier, et glissa une brioche emballée dans du papier sur le comptoir devant James.

«  - Tout juste sorti du four, laisse refroidir un peu, sinon tu risques de te bousiller la langue.

- Merci beaucoup, dit James en inclinant la tête.

- Ça me fait plaisir. Revenez me voir à l'occasion, on pourra discuter un peu.

- Avec grand plaisir. »

Ils s'échangèrent une poignée de main et James reprit sa route. Il déambula une bonne heure dans le quartier, mangeant sa brioche morceau par morceau, en savourant la moindre bouchée.
Une fois qu'il eut fait le tour de tout le quartier, il se dirigea vers la Haute-Ville, là ou se trouvait l'Amirauté. Entre temps, les rues s'étaient remplies de monde. Les commerçants interpellaient les clients, les gens s’échangeaient des poignées de mains amicales et discutaient de tout et de rien. Rien à voir avec la vie dans les basses villes, tout était plus chaleureux, plus... humain.
Tailleurs, barbiers, petits commerçants... un nombre incalculables de magasins s'ouvraient sur les rues. Les gens le regardaient, intrigués par ce personnage atypique, mais avec respect pour l'homme que son uniforme et ses médailles disaient qu'il était.
Il tailla son chemin jusqu'à la Haute-Ville. Il avançait, émerveillé par toute cette richesse. Il y avait des années qu'il n'avait rien vu de tel, c'était à peine s'il osait marcher sur la route, de peur de la salir. Il mit de longues minutes avant de trouver l'Amirauté, le grand bâtiment trônait au bout de la Place Kenbrough, du nom d'un Capitaine de ballon, mort héroïquement pendant la guerre disait-on.

Il passa sous le porche, entre 2 gardes qui le saluèrent, puis se dirigea vers le bureau de l'Amiral, qui n'avait pas changé de place depuis qu'il y était venu la dernière fois, 10ans auparavant.


L'Amiral était occupé, il attendit donc quelques minutes devant la porte. Celle-ci fini par s'ouvrir. Un jeune lieutenant en sorti, arborant un petit sourire malicieux. Il le salua d'un signe de tête et entra dans le bureau.

L'amiral Pembleton, l'invita à s'asseoir.

«  -Ah, Sergent, ravi de vous revoir. Cela fait combien de temps, 10 ans ?

- C'est ça, la dernière fois que j'ai mis les pieds ici c'était pour m'entendre dire que mes blessures me rendaient inapte au service. Je suis bien curieux de savoir pourquoi ma condition aurait changé ces derniers jours.

- La RAN a été chargée d'une mission délicate, et un peu particulière.

- Et qu'elle est-elle ? Vous manquez d'hommes à ce point là pour faire appel à moi ?

- D'hommes, non. D'hommes de votre envergure, malheureusement, oui, nous en manquons cruellement. Depuis 10ans, nos équipages n'ont presque jamais été engagés au combat. Seuls quelques uns, qui servent dans la contre-piraterie ont l'expérience requise.

- Alors pourquoi ne pas leur demander ?

- Les règles de la RAN sont trop strictes, elles ne peuvent fonctionner lors de chasses aux pirates. Certains des officiers les plus talentueux dans ce domaine ont payés leurs résultats, souvent obtenus par l'infraction à certaines règles, et se retrouvent mis à pieds. C'est le cas du Lieutenant Daniel, que vous avez croisé en entrant, un jeune homme très talentueux, mais trop téméraire au goût de certains.
- Et c'est pour cela que vous faites appel à des vétérans ? N'aurait-il pas été plus simple de changer les règles ?

- Oui et non. La mission demande aussi l'infraction à quelques règles d'ordre... international. Des règles qu'un équipage de la RAN ne peut se permettre d'enfreindre.

- Est-ce que cette mission aurait un rapport avec le Sahara, Amiral ? »

Il fixait Pembleton droit dans les yeux.

«  - Parfaitement, mais je ne peux vous en dire plus sans que vous ayez accepté.

- Je reprends du service ?

- Pas officiellement, mais vous servirez à bord d'un Vaisseau de combat, n'est-ce pas ce que vous voulez ?

- En effet, c'est ce que je veux.

- Exactement ce que je voulais entendre. Il y a ce soir une réception dans un manoir, je veux que vous vous y rendiez, vous ferez connaissance avec votre commanditaire, le reste de l'équipage et vous prendrez vos ordres. Ne la ratez pas, je vous conseille très fortement d'y être. »

Il tendit l'adresse inscrite sur un morceau de papier à James, ainsi qu'une invitation qu'il venait de signer pour lui. James les saisi et les fourra au fond de sa poche. Il salua l'Amiral et quitta le bureau.


Au même instant, ailleurs dans Londres, dans un petit appartement plutôt coquet, le Lieutenant Henry Daniel préparait son uniforme. Il devrait faire bonne impression lors de la réception.



Partie 5

La lumière du jour avait laissé sa place à celle des lampadaires à huile. Ils étaient disposés partout dans la Haute-Ville, si bien qu'il ne subsistait aucune parcelle d'obscurité.
James s'arrêta devant un hôtel particulier gigantesque, sans doute le plus grand du quartier. Il vérifia  l'adresse inscrite sur son invitation et s'approcha de la double porte devant laquelle 2 gardes se tenaient, vérifiant invitations après invitations. James tendit la sienne à l'un des 2 hommes. Celui-ci le dévisagea, dubitatif, scruta longuement la lettre et se résigna finalement à le laisser entrer.

Lorsque la porte s'ouvrit, James resta figé devant tant de luxe et de richesses. De grands lustres éclairaient le salon immense, des fauteuils cousus de fils d'or étaient placés autour de petites tables basses en bois exotiques vernis, des trophée de chasse, des portraits et des toiles de maîtres habillaient des murs déjà  recouverts de boiseries magnifiques.
Par terre, le parquet était recouvert de tapis orientaux.

Un grand nombre de convives, tous plus élégants et extravagants les uns que les autres étaient déjà là. Des dandies riaient bruyamment, un verre de scotch à la main, des lords, plus distingués, savouraient du Champagne, de jeunes officiers faisaient la cour à des femmes plus âgées, mais bien plus riches qu'eux. Tout le gratin était là, la Haute société britannique s'était réunie dans ce salon, fidèle à elle même : Belle, riche, élégante, mais indécente, extravagante et vulgaire.

A peine fut-il entré qu'un majordome proposa diverses boissons à James. Il prit un verre au hasard, et s'avança timidement au milieu de l'assemblée. Il se faufilait entre les convives, cherchant désespérément du regard quelque chose qui aurait put justifier sa présence ici.

Dans un coin du salon, un homme d'une quarantaine d'année scrutait la foule. Il était très élégamment vêtu et ses cheveux bruns étaient ramenés en petite queue de cheval.
James alla à sa rencontre, pressé de mettre fin à sa solitude.

«  - Bel endroit, n'est-ce pas ?

- Magnifique, en effet, quoiqu'un peu trop chargé à mon goût.

- Vous n'êtes donc pas le propriétaire des lieux.

- Absolument pas, en voilà une drôle d'idée.

- Au fait, nous ne sommes pas présentés. Sergent James Edan, vétéran de la RAN.

- Leeroy MacGawn, mécanicien, inventeur, et tout un tas d'autre choses dont l'appellation risque de vous être étrangère.

- Monsieur MacGawn, avez vous la moindre idée de ce que nous faisons là ?

- Pas la moindre, et je vous en prie, appelez moi Leeroy. »


Un homme, entouré de convives fit alors irruption dans la salle, il lançait de bruyants « bonsoirs » à qui voulait l'entendre, serrant un grand nombre de mains et distribuant une quantité inhumaine de tapes sur l'épaule.
Il s'agissait de Lord Georges Cardiggan, Ministre des Flottes de sa Majesté. Il avait été élevé au rang de héros de la Guerre et catapulté au ministère. Il était cependant considéré comme un parvenu par un grand nombre des vétérans de cette même Guerre, tous le considérant comme un lâche dont les promotions et décorations auraient été obtenues plus par amitié et rasions économiques que par réel talent ou engagement. En effet, la Cardiggan Steel, Copper and Coil Company avait fourni des quantités extravagantes de matériaux au gouvernement Britannique lors de la Guerre. Afin de remercier le père, on avait décoré le fils. Pratique courante en cette période où le nom d'un homme avait plus de valeur que ses actes.


Il s'approcha de James et Leeroy, les observa des pieds à la tête pendant de longues secondes, puis dit à James :

«  - Monsieur, on ne m'aurait pas dit que vous étiez de mes invités, je vous aurait fait sortir par la garde »

Le groupe d'admirateurs du Ministre se mit à rire. Aucunement déstabilisé, James répondit aussitôt :

«  -Et on m'aurait dit que vous seriez notre hôte, j'aurais refusé l'invitation »

Silence dans l'assemblée

«  -Qui êtes vous, monsieur, pour me parler de la sorte ?

- Je suis un de ces hommes dont les actes ont été plus fort que le patronyme, mais qui pourtant ont sombré dans l'anonymat.

- Ah oui, je vois, c'est une bien jolie médaille que vous avez là, elle s'accorde parfaitement avec votre chevelure. J'en ai une aussi, mais dont la teinte dorée m'est plus adaptée.

- Et qu'avez vous fait pour mériter tant de reconnaissance ?

- Plus que vous il semblerait. Je dois bien vous avouer que lorsque l'Amiral a évoqué la possibilité de faire appel à des vétérans pour remplir cette mission, j'étais un tantinet septique. Pour tout vous dire, je craignais surtout de tomber sur un homme de votre espèce, bien trop fier de ses blessures de guerre pour admettre ma supériorité. Cependant, en y réfléchissant bien, l'idée n'est pas si mauvaise. Après tout, la mission a de grande chances de se solder par votre mort à vous tous, ça fera donc quelques détracteurs en moins pour venir m'embêter. Maintenant messieurs, je vous prie de bien vouloir vous rendre dans le Petit Salon, vos camarades vous y attendent. Je vous y rejoindrai quand je l'aurai décidé. »

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Le Petit Salon était plongé dans la semi-obscurité. Dans l'âtre, quelques braises rougeoyaient encore. Des bibliothèques s'élevant jusqu'au plafond étaient disposées tout le long des murs.

Henry était assis dans un fauteuil depuis près d'une heure, attendant qu'il se passe quelque chose. Un homme était déjà là quand il était entré, ils s'étaient salués discrètement et avaient échangé quelques mots. Il s'agissait d'un ancien matelot Allemand, expatrié en Angleterre depuis plusieurs années répondant au doux nom de Franz Von Schnurrbart . Mais cela faisait de longues minutes que ni Henry, ni son camarade teuton, n'avaient ouvert la bouche.
La porte fini par s'ouvrir. 2 hommes entrèrent, parmi eux, Henry reconnut un Sergent qu'il avait croisé le matin même à l'Amirauté. Une fois les présentations faites, tous 4 se remirent à observer un silence quasi religieux. Assis dans les fauteuils et canapé, ils attendaient qu'on vienne leur dire pourquoi ils étaient là, à cette réception, même si au final ils en étaient plus ou moins exclus.
Ils avaient attendu longtemps lorsque Cardiggan, accompagné par Pembleton, fit son entrée.

«  - Bien, ne perdons pas de temps. Comme vous le savez, il y a dans le désert du Sahara des millions de tonnes d'acier abandonné après la Guerre. Chaque jour, les pirates en récupèrent des quantités de plus en plus importantes. Cet acier est propriété de la Couronne d'Angleterre, et il est hors de question que quiconque s'en empare. Mais vous savez aussi que le survol du Sahara par des vaisseaux Britanniques, Français ou Allemand est strictement interdit, comme il l'est stipulé dans les conditions de Paix. Sa Majesté ne désespère pas de pouvoir récupérer un jour son précieux acier. Mais aujourd'hui, il lui est interdit de le rapatrier, ni même de le protéger des pirates. Vous conviendrez que cela est fort déplaisant. En attendant qu'un accord soit trouvé avec les Français et les Allemands, nous allons donc devoir détourner quelque peu le règlement.
Voilà pourquoi nous faisons appel à vous. Vous êtes expérimentés dans la guerre aérienne, mais vous n'appartenez pas à la RAN, vous volerez sous vos propres couleurs malgré que vous serviez sa Majesté, et moi même.
Pour l'Angleterre, vous n'existerez pas, pour les autres, vous ne serez que de simples pirates, qu'ils prendront sans doute grand soin à attaquer.

En ce qui concerne l'organisation. L'atelier de Mr MacGawn vous servira de port d'attache. J'ai cru comprendre qu'il était assez vaste pour accueillir un dirigeable de bonne taille. Votre Vaisseau vous sera présenté demain, vous en serez informé en temps et en heure. Le Lieutenant Daniel sera le Capitaine, Edan et Von Schnurrbart seront ses seconds, et MacGawn sera mécanicien à bord et au sol. Vous vous chargerez de recruter l'équipage. Vous ne serez pas payé, vos prises servant de salaire. Vous êtes tenu au silence... et euh, je crois que c'est tout.
Ah, non. Voici vos lettres de marque, elles vous seront utiles si vous croisez un vaisseau de la RAN, mais si il arbore les couleurs d'une nation étrangère, elles ne vous seront d'aucun secours. D'autant plus que vous ne les présenterez pas, n'oubliez pas que vous ne travaillez pas pour l'Angleterre.
Voilà, maintenant c'est tout, je retourne auprès de mes convives, j'ai assez perdu de temps comme ça. »

Il sorti de la pièce, claquant la porte derrière lui et laissant l'Amiral seul face aux hommes.

« Bien messieurs, vous avez bien tout saisi . »

Ils acquiescèrent tous les 4.

« - Votre vaisseau se trouve actuellement dans un hangar, sur la base de Zeppelin Field. Soyez demain à 11h devant l'entrée de la base. Vous êtes à compter de maintenant, des Corsaires au service de sa Majesté »




Partie 6


Après la réception, les 4 nouveaux partenaires se rendirent dans l'atelier de Leeroy, situé dans la partie intermédiaire de la ville.

«  - Le toit s'ouvre pour laisser entrer et sortir un dirigeable. J'ai bricolé ça moi même il y a quelques années »

Leeroy cherchait dans un trousseau de clé des plus impressionnant celle qui ouvrait la porte.

«  -Dès que j'aurai remis un peu d'ordre, on aura la place pour y mettre le vaisseau. L'Amiral m'a assuré qu'il n’excédait pas les 125 pieds. Une petite frégate rapide et maniable, taillée pour la course. »

Il trouva enfin la bonne clé, il la glissa dans la serrure et ouvrit la porte. Il tâta le mur à l'aveugle quelques secondes avant de trouver ce qu'il cherchait. Il tourna la petite vanne sur laquelle il venait de poser la main et pressa sur un bouton à plusieurs reprises.

Une série de lampes suspendues au plafond s'allumèrent les unes après les autres.

«  -Le robinet alimente en gaz tout un circuit caché dans le plafond. Il débouche dans les lampes que vous voyez là. En pressant l'interrupteur juste ici, cela produit une petite étincelle qui vient enflammer le gaz sortant des tuyaux. »

Les 3 autres le suivaient sans dire un mot tandis qu'il se taillait un chemin au milieu des établis et des machines plus ou moins terminées qui envahissaient l'atelier. Ils empruntèrent un escalier qui déboucha sur un appartement spacieux.

« -Asseyez-vous, je vous en prie. Je vais aller nous chercher quelques rafraîchissements, en attendant, faites comme chez vous. »

James se laissa tomber dans un canapé, imité immédiatement par Henry et Franz.

«  -Il va nous falloir un équipage, au moins un vingtaine d'hommes, dit James.

- Une idée d’où chercher ?  On pourrait demander à l'Amirauté, lui répondit Henry.

- Non, si ils avaient voulu nous en donner, ils l'auraient fait, à nous de nous débrouiller, rétorqua Franz, remettant le bandeau qui lui couvrait l’œil droit en place.

- Y'a qu'un seul endroit où trouver un équipage, au Flying Cockroack, je vous y conduirai demain, après avoir récupéré notre dirigeable, termina James. »

Leeroy revint une bouteille et 4 verres à la main. Il les posa sur la table du salon et servi du whisky à chacun.

«  -De quoi parliez vous ?

- De notre futur équipage, lui répondit James en saisissant un des verres. On ira s'en occuper dès demain. En attendant, à votre santé. »


Ils passèrent le reste de la soirée à se raconter leurs histoires, tout en vidant la réserve en alcool de Leeroy. James et Franz avaient été ennemis durant la guerre, et tous 2 y avaient été blessé. Franz y avait perdu un œil, et James avait prit une balle dans la hanche lors d'un abordage. Il y avait 2 types de vétérans. Il y avait tout d'abord ceux qui vouaient une haine éternelle à leurs anciens adversaires, qui ne voulaient pas tourner la page, même des années après les faits. Franz et James n'étaient pas de ceux là. Ils appartenaient au second groupe. Ceux qui respectaient ceux qu'ils avaient combattu, conscient de ce qu'ils avaient enduré, et qui reportaient leur mépris sur les bureaucrates et ceux qui avaient profité de l'agitation pour se hisser au somme, comme l'avait fait Lord Cardiggan.
Ils se racontaient diverses anecdotes et souvenirs, exagérant chacun de leurs succès.
Puis la discussion se porta sur la course. Henry avait traqué les pirates plusieurs années, il savait comment s'y prendre et échangeait ses ruses et tactiques avec ses camarades.
De son côté, Leeroy buvait la moindre de leur parole. Il avait servi dans la RAN, mais comme mécanicien au sol. Il n'avait jamais pratiqué sous le feu, mais il avait confiance en ses capacités, confiance que partageait le reste de l'équipe.


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C'est ainsi que le lendemain, à 11h, il se retrouvèrent tous les 4, accompagnés de Pembleton, devant un hangar de la base de Zeppelin Field. Ce dernier actionna la porte automatique qui découvrait le vaisseau tandis qu'elle remontait.

« -C'est ça, demanda Henry anxieux?

- Oui, il ne vous plaît pas, demanda Pembleton ?

- Est-ce que ce truc est seulement capable de décoller ? »

Leeroy s'était avancé dans le hangar et inspectait la coque et les moteurs du dirigeable.

« -Ça devrait rentrer dans mon atelier. Par contre, il va falloir que je retape 2 ou 3 bricoles avant qu'on parte. Amiral, vous pouvez nous le faire transporter jusqu'à l'atelier ? Dans l'état, je ne peux pas le faire décoller.

- Je devrais pouvoir faire ça, oui, acquiesça l'Amiral.

- Au fait Amiral, lança Franz, comment s'appelle cette frégate ?

- On l'appelle L'Eolipyle, c'est un joli nom je trouve.

- Très joli, coupa James. Écoute Leeroy, voit avec l'Amiral pour transporter ce machin jusqu'à l'atelier. Nous 3, on va s'occuper de trouver un équipage. »

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https://www.youtube.com/watch?v=FRp3O7LmwS0

Le Flying Cockroach était un pub de marins et de servants d'aéronefs typique. Derrière un comptoir crasseux, le patron servait chope après chope aux hommes qui se bousculaient pour avoir à boire.
Dans un recoin de la salle, James, Franz et Henry, assis derrière une table, étaient à la recherche de leur équipage.
Une bonne trentaine d'hommes faisaient la queue pour postuler. L'entretien était rapide. On demandait au candidat quel était son expérience, si il avait déjà servi, si il savait naviguer, tirer au canon, se battre... Même si la plupart répondait par la positive à toutes les questions, il était évident qu'un grand nombre ne possédait pas les qualités requises.
Ils ne quittèrent l'endroit qu'à la nuit tombée, épuisés mais ravis. 22 matelots avaient été trouvés pour prendre part à l'aventure. Tous avaient rendez vous devant l'atelier le lendemain à l'aube.

Quand Franz, Henry et James pénétrèrent dans l'atelier, ils trouvèrent  Leeroy entrain de s'essuyer les mains dans un vieux chiffons. En les entendant entrer, il se tourna vers eux, grand sourire satisfait au milieu du visage.

«  -Ah, vous voilà. Venez voir ce que j'ai fait. »

Il commença à leur faire faire le tour du vaisseau, énumérant chacune des réparations et   améliorations qu'il avait apportées au dirigeable.

«  -Alors, la coques est comme neuve, j'ai aussi retapé le blindage là où y'en avait besoin. Les moteurs étaient en bon état, mais j'ai changé les hélices pour en mettre de ma conception, plus performantes. Tout l'accastillage est changé, j'ai renforcé la cage protectrice du ballon à l'avant et l'éperon.

- Tout ça en même pas 12h ? Tout seul ? »

Henry était impressionné, tout comme James et Franz.

«  -Je suis plutôt performant, en effet. J'en ai aussi profité pour nettoyer les armes.

- D'ailleurs, à ce sujet, y'a quoi de monter là dessus ? »

James était tout particulièrement intéressé par le sujet, il était en effet chef artilleur lorsqu'il servait encore dans la RAN.

«  -Alors, à l'avant, sur la plateforme, on a 2 canons de campagne de 75. Très puissants et très précis à longue portée. Sur le pont, toujours à l'avant, j'ai installé ce lanceur de roquette de ma fabrication. Idéal pour faire de lourds dégâts, mais précis qu'à moyenne portée.
Sur chaque bords, on a 3 canons de 24 livres sur le pont et 2 DCA de 20mm ainsi qu'une caronade sur la plateforme.
On a aussi deux Gatling, c'est tout nouveau mais ça me plaît bien, que j'ai installé au niveau de la passerelle.
J'ai aussi posé quelques lances flammes, vous verrez c'est sympa, sous sabord, au niveau de la machinerie.


- Et bin, si avec ça on abat pas tout ce qui passe... dit James, apparemment ravi par cette puissance de feu »


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Il était à peine 6h, mais le tout nouvel équipage étai déjà rassemblé dans l'atelier. Henry, James et Franz avaient abandonné leurs uniformes d’apparat.
Henry portait une simple veste militaire bleue claire sans distinction, James avait enfilé son éternel uniforme, vieux de 15 ans et rapiécé de toute part. A sa ceinture, pendait un casque à pointe Allemand, souvenir de guerre. Franz, quant à lui, ne revêtait qu'une simple chemise de lin ainsi qu'un large baudrier de cuir noir au bout du quel pendait son sabre.

Leeroy avait gardé des habits civils, il avait posé sur sa tête un chapeau haut de forme immense, autour du quel était accrochée une paire de lunettes protectrices.

En tant que Capitaine, Henry prit la parole le premier :

« - Messieurs, vous connaissez déjà mes seconds, messieurs Edan et Von Schnurrbart. Je vous présente Monsieur MacGawn, mécanicien de bord en chef. Vous connaissez vos affectations et notre mission. Alors tout le monde à son poste, on largue le leste et les amarres !

- Bougez vous, le premier que je choppe en train de feignasser je le passe par dessus le bastingage, c'est bien clair ? Alors au boulot, et plus vite que ça ! Aboya James »

L'Eolipyle se mettait en branle. Au pont inférieur, les machinistes s'affairaient pour faire tourner les moteurs. Sur le pont, les hommes gonflaient le ballon au maximum. Quand le dirigeable eut prit assez d'altitude, on déploya l'aileron ventral qui stabilisait le vaisseau.
La frégate prenait de plus en plus d'altitude, puis dépassa le Nuage. Les hommes virent alors ce que beaucoup n'avaient encore jamais vu. Le ciel, d'un bleu azur somptueux, immaculé, et le soleil, boule jaune dans le ciel, dont les rayons chauffaient la peau des hommes qui s'agitaient sur le pont.

Henry utilisa le transmetteur d'ordre pour demander aux manœuvriers de rabaisser les gouvernes de tangage qui avaient jusqu'alors permis au vaisseau de s'élever. L'Eolypile filait maintenant plein sud , invisible au dessus du Nuage.

Accoudé à la rambarde de la plateforme d'artillerie, James savourait cet instant, voilà 10 ans qu'il n'avait plus connu cette sensation de liberté.


Partie 7


James était accoudé au canon de proue, sur la gaillard d'avant. Il profitait du faible vent nocturne qui lui caressait le visage. La pleine lune éclairait le pont de sa lumière blanche et projetait sur l'embarcation des ombres fantomatiques terrifiantes.
Seul le ronronnement des moteurs venait troubler le silence.
Henry était toujours planté derrière la barre, il n'en avait pas bougé depuis leur départ. Il maniait le vaisseau avec légèreté,  évitant les courants ascendants et les nuages chargés d'eau et d'électricité.

James fut rejoint par Franz. L'immense Prussien vint s'accouder au bastingage, tirant de grandes bouffées de fumée sur sa pipe. Dans le bas de son cou on pouvait voir le début d'un tatouage lui recouvrant tout le dos.

James avait aperçu l'encre :

«  -Qu'est ce que c'est, dans ton dos ?

- Un crucifix, ça nous protège du fouet. »

Franz s'exprimait dans un Anglais hésitait.


« - Une sorte de superstition ?

- Non, il est interdit de profaner une image sacrée. On ne fouette pas un crucifix, c'est la règle.

- Astucieux. Dis voir, je me posais une question. Comment tu t'es retrouvé là ? Je veux dire, la Navy avait quoi contre toi ?

- Je suis un déserteur, je sais pas comment, mais ils l'ont su.

- Déserteur ?

- Oui, après la guerre, j'en avais marre, et ils ont voulu me faire rempiler. J'ai dit non, et je me suis sauvé en Angleterre, pour qu'ils me laissent vivre en paix.

- Et ça a pas été trop dur ? Les gens t'ont pas pourri la vie ?

- Je suis pas le type d'homme a qui on va chercher des emmerdes »

Il éclata d'un rire bruyant.

https://www.youtube.com/watch?v=lCbwe7h9kkE

James lui fit signe de se taire d'un geste de la main.

« -Tu entends ça ?

- Non, quoi ? »

Il se tourna vers la passerelle :

«  - Henry, fait couper les moteurs !

- Comment ? Mais pourquoi ?

- J'ai entendu quelque chose. Riggs ! Riggs ! »

Le jeune mousse sorti de sa somnolence et accouru.

«  -Grimpe là haut et dis nous si tu vois quelque chose, et traîne pas ! »

Le matelot se mit à escalader les câbles reliant le ballon à la coque. Il se hissa le long de la cage protectrice du ballon et commença à scruter le ciel noir.
Entre temps, Henry avait fait couper les moteurs. La frégate était quasi immobile au milieu du ciel. Tout le monde retenait son souffle, cherchant du regard et écoutant le moindre bruit dans la nuit.

«  -Henry, on se trouve où environ ?

- A 8 miles au Sud Ouest de Southampton.

- Et merde, on est en plein dedans. »

A peine eut-il dit ces mots que l'amas de nuage sur leur flanc bâbord se creva. Le projectile rougeoyant frôla l'Eolipyle.

Franz se précipita pour faire sonner la cloche d'alarme :

«  -Tout le monde à son poste ! Bougez vous, c'est pas le moment de lambiner !

- Armez les pièces bâbord. Richards, montez sur la plateforme, vous devriez pouvoir les toucher avec l'artillerie lourde. Nom de Dieu Wilson, arrêtez de charger ce canon, allez me mettre es cartouches incendiaires dans cette Gatling, et essayez de rattraper le temps perdu, ca pourrait vous aider à rester en vie ! »

James continua à aboyer des ordres à ses artilleurs. Henry manœuvra afin de mettre ses batteries dans la meilleure des positions. Il jouait avec la rapidité de l'Eolipyle pour tromper son adversaire.

Un deuxième obus traversa le ciel, mais celui ci, contrairement au premier, ne rata pas sa cible et vint déchirer la coque du corsaire sur plus d' 1m50. Le choc secoua violemment le dirigeable. Un des membre d'équipage fut projeté par dessus bord et disparu sous le nuage, des dizaines de mètres plus bas.
Henry avait parfaitement placé l'Eolipyle sur le flanc de son opposant. Toutes les pièces disponibles firent feu en même temps. La coque du vaisseau pirate vola en éclat. On ordonna aux Gatlings d'ouvrir le feu. Des centaines de balles se mirent à pleuvoir sur le pont de l'ennemi, mettant le feu au bois et aux hommes qu'elles rencontraient lors de leur course mortelle.

Henry prit le porte voit qui se situait à côté de lui :

«  -On va les éperonner, préparez vous à les aborder par notre avant ! Accrochez vous ! »

Il barra violemment. Le vaisseau vira brusquement  et le lourd éperon d'acier s'encastra avec fracas dans la coque, déjà en piteux état, du vaisseau pirate. Le choc fut si violent que plusieurs hommes furent projetés au sol.
Franz avait dégainer son sabre et tenait un revolver de la main gauche.

«  - A l'abordage ! »

Il se rua sur le pont et commença à taillader les pirates encore en vie. Il fut rejoint par une quinzaine de corsaires. A coup de sabres, de haches d'abordage et de coups de feu, ils s'emparèrent vite de l'épave. Un dernier pirate fut jeté par dessus bord. La victoire était à eux. Ils fouillèrent rapidement le vaisseau qui perdait de l'altitude, une balle ayant percé son fragile ballon.
Ils remontèrent les mains vides sur leur propre embarcation.

«  -Descendez le, dit Henry. »

Un matelot arma la Gatling et tira une rafale de balles incendiaires sur le ballon.
Il s'enflamma rapidement. Sa disparition projeta les restes du vaisseau pirate vers le sol.
Le bruit qu'il fit en s'écrasant sur la surface de la Manche fut couvert par les cris de joie des membres d'équipage, ravis de leur première victoire. Un homme avait été tué, quelques autres légèrement blessé, la coque nécessitait des réparations, mais rien, à ce moment là, n'aurait pu les priver de cette joie. Toujours sur la passerelle, Henry tapotait le bastingage en bois verni. Il hochait légèrement la tête en souriant.

«  -C'est bien ma belle, t'as fait du bon boulot. »


Par Nade[/b]

Gérard Bouchard

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Date d'inscription : 01/07/2013

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