44e Régiment de Sapeurs Lanciers
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Mer de feu (par Nade)

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Mer de feu (par Nade) Empty Mer de feu (par Nade)

Message par Gérard Bouchard Lun 14 Déc - 17:54

https://www.youtube.com/watch?v=8I_vQHbmmaY


« - Du nerf messieurs, cette beauté ne va pas virer toute seule. Cambray, agitez vous un peu bon sang et allez vous rendre utile à la proue ! Faites moi filer cet oiseau sous le vent ! »


Septembre 1806, alors que le drapeau tricolore flotte, victorieux, sur les champs de bataille d'Europe et que la Grande Armée s’apprête à déferler sur la Prusse, la situation navale de la France est intenable. La flotte Française n'est plus. La Royale, fierté de Louis XVI n'était pas celle de Bonaparte. Lui qui se voyait déjà en Angleterre n'a pas de navires pour l'y conduire. Les restes de la puissance navale française gisent quelque part au fond des eaux espagnoles, au large du Cap de Trafalgar.
Mais soyez en assurés, tout ce que la France comptait de hardis matelots n'est pas en train de jouer les amuseurs au Royaume de Neptune. Combien sont-ils ces armateurs, ces forbans, ces anciens militaires en mal de gloire qui écument les océans du globe sous pavillon Français ? La Navy croyait en avoir fini avec les Français ? Ils doivent être bien déçus à Londres. Leurs oreilles doivent siffler dès qu'ils entendent parler de Saint-Malo.Voyez tous ces mâts qui s'élèvent au dessus du port Malouins. Quel doux spectacle, quel délicieuse image. Ces Frégates, ces Bricks et ces Goélettes qui n'attendent qu'à aborder de l'Anglais.



Ce matin là, La Belle Rousse levait l'ancre. Cette petite frégate embarquait avec elle 150 hommes et 16 canons. C'est qu'elle en avait vécu La Belle Rousse, elles sont pas nombreuses les coques à pouvoir se vanter d'une telle carrière. Anglais, Portugais, de Sumatra à l'Atlantique, elle avait tout connu, elle aavait tout battu. Une vraie merveille taillée pour la course, capable de filer sous le vent à plus de 12 nœuds et qui se laissait manœuvrer comme nulle autre, encore fallait-il l'avoir apprivoisé. Les meilleurs navires sont ceux qui n'obéissent qu'à leur Capitaine.
Clavel, ça c'était un marin, un vrai. Blessé à Chesapeake, encore blessé sur la Rivière Noire. On l'avait cru perdu quand il était passé par dessus bord à Groix en 1795, mais c'était mal connaître le bonhomme. Après ça il avait tourné la page, pour lui, la carrière militaire c'était fini, ce qui l'intéressait, c'était la liberté, la mer, et la guerre... un vrai Corsaire en somme. 10 ans déjà qu'il vadrouillait autour du globe. 10 ans déjà qu'il clairsemait les rangs de la Compagnie anglaise des Indes orientales au large du Bengale et qu'il terrorisait les convois au large de l'Espagne.
C'est un époque lointaine dont je me souviens à peine, ce vieux bougre doit être mort maintenant, puisse-t-il reposer au fin fond des abysses, c'était son souhait le plus cher.
Mais revenons à notre histoire, où en étions nous...



« - Du nerf messieurs, cette beauté ne va pas virer toute seule. Cambray, agitez vous un peu bon sang et aller vous rendre utile à la proue ! Faites moi filer cet oiseau sous le vent ! Corret, nom d'un chien, dîtes aux gabiers de s'agiter, je vais quand même pas monter m'occuper des bandes de ris moi-même !


- Capitaine !

- Oui Labuse ? Que vous arrive-t-il ?

- Le HMS Ocean est en vue !

- Donnez moi ça voulez vous.

Labuse tendit sa longue vue à Clavel. Loin devant eux, une silhouette presque invisible se détachait sur l'horizon. Il s'agissait du HMS Ocean, un lourd navire Anglais que La Belle Rousse suivait depuis des jours.

- Dîtes-moi Labuse, dit Clavel, l'oeil toujours collé à la longue vue.

- Oui capitaine ?

- Vous avez déjà abordé un navire ?

- Non m'sieur.

- Vous vous êtes déjà battu au moins, dans une bataille ?

- Contre les Vendéens, capitaine.

- Un vrai fils de la Révolution hein.

Il rendit la longue vue à Labuse et, de sa voix puissante, se mit à tonner ses ordres.


« -Messieurs, on est à portée de vue de notre gibier, gardez la cadence si vous voulez qu'on le rattrape avant d'arriver à Bordeaux. Je sais que l'océan Indien est agréable mais c'est pas une raison pour feignanter, alors on se bouge, et, Cambray, c'est pas Dieu possible, êtes vous idiot ? Embraquez nom d'un chien, embraquez !


Des heures durant, La Belle poursuivit sa course, avalant les miles qui la séparait de sa cibles les uns après les autres. Bientôt les hommes purent distingués les marins et soldats anglais qui s’agitaient sur le pont du Ocean.

« -En voilà un gros tas de bois. Les gars, sortez les gargousses et chargez les fusils, je doute fort qu'il accepte de se rendre sans combattre. Drachey et Criolles, remonter les armes d'abordage sur le pont, que tout le monde ait de quoi faire. Et nom d'un chien, qu'on me hisse les 3 couleurs et Gwenn, bien haut, que ces homards sachent bien qui leur arrive dessus ! »

https://www.youtube.com/watch?v=ogHUNhevD20

Des sabords de l'anglais surgissaient un nombre impressionnant de canons, prêts à faire pleuvoir un déluge de fonte sur le corsaire. Sous la manœuvre experte de Clavel, celui ci parvint à s'approcher de l'Indiaman sans s'exposer à son feu.
La frégate vint se ranger à bâbord du navire britannique et fit feu. La mitraille faucha marins et soldats sur le pont. L'Anglais répliqua aussitôt, bien plus haut que le navire français, la plupart de ses boulets le survolèrent, laissant des trous béants dans les voiles qu'ils traversaient.

La voix de Clavel s'éleva au dessus du fracas :

« - Aux armes messieurs, le Tondu mérite bien qu'on lui ramène ce rafiot ! »

L'équipage de La Belle Rousse se lança à l'abordage de l'Ocean. Un feu nourrit les accueillit, laissant plusieurs hommes à terre et en précipitant d'autres au plus profond de l'Océan Indien. Clavel, qui dépassait de près d'une tête tous les hommes présents venait de mettre hors combat sont troisième opposant. Cambray se taillait un chemin à grands coups de hache d'abordage.
Partout sur le pont, les hommes se battaient avec fureur. Les coups de feu éclataient de part et d'autre du navire et des filets de sang coulaient lentement le long de la coque de l'Indiaman. Labuse, Drachey, Criolles et Rougeaux, un solide Normand réduisirent la dernière poche de résistance anglaise. Le combat fut bref mais d'une extrême violence. En 15 minutes, près de 50 anglais avaient été tués et pas loin du double étaient blessés. Des 160 Français, 40 avaient été mis hors combat dont près d'une moitié de morts.
Une fois que l'équipage anglais eut déposé les armes, le capitaine du navire alla remettre sa rédition à Clavel.
Il s'exprimait dans un Français très juste, bien que tenté d'un fort accent anglais.

« -Me voilà donc contraint de céder mon bien d'une bien étrange manière.

- Allons monsieur, nous sommes d'honnêtes hommes.

- Des forbans plus que des soldats.

- Des Français monsieur.

- Voilà bien une chose de Français que de s'en remettre à de si misérables mercenaires.

- Et voilà bien une chose d'Anglais que de se rendre à de si misérables mercenaires.

- Ou dois-je signer ? Qu'on en finisse avec cette mascarade.

- Juste là Milord, très bien. Je vous prie de bien vouloir regagner votre cabine, monsieur Cambray ici présent veillera à votre confort. Je suis sûr que cette tâche est parfaitement adaptée à notre ami. »

Les marins français rirent aux éclats. D'une grande courtoisie, et pourvu d'un sens de l'honneur inextinguible, Clavel prenait cependant un malin plaisir à tourner ses adversaires en ridicule.

« - Faucheux, Richard et Landuin, allez me mettre tous les effets personnels de ces moessieurs sous scellé et dressez en l'inventaire, et que rien ne manque. Duguet, Cassard, Nau et... Fleury, dans la cale, dressez moi la liste de tout ce que cette beauté transportait. Et qu'on me nettoie ce pont, et ayez un peu de respect je vous prie. »


Quelques heures avaient passé. La Belle avait reprit sa route, suivie de près par l'Océan, à présent manœuvré par un équipage français. Clavel dressait la liste des disparus du jour, Labuse à ses côtés.

« - Frichon, Collas, LeBihan, Perrec, Trouffier. On a aussi perdu Gwanell et Carnose. Labuse, des nouvelle de Flavel et Mierle

- Morts, tous les deux. Mierle il y a moins de cinq minutes.

- Et merde. »

Clavel contenait son émotion, il avait vu de nombreux camarades périr, mais il se sentait responsable de la mort de chaque homme tombé sous son commandement.

« - Vous voulez quelque chose Capitaine ?

- Non c'est bon, merci Labuse, j'ai tout ce qu'il me faut, dit il avant de boire une rasade de vin.

- Au fait Capitaine, je sais pas si vous en avez entendu parler, mais il paraîtrait que l'Anglais est un lord.

- Tant mieux, la rançon dédommagera les veuves de ces malheureux. Ça les ramènera pas, mais bon, quand on épouse un marin faut bien s'attendre à ne jamais le revoir. Vous avez soif Labuse ?

- C'est à dire que...

- Faites pas votre timide, rendez votre père fier nom d'un chien. J'ai pas promis à ce vieux renard de donner du boulot à son fils pour me traîner un cul serré sur toutes les mers du monde.

- Merci Capitaine.

- Vous voyez ces chiures de mouche ? Dit Clavel en désignant un petit groupe d'île sur sa carte.

- Oui Capitaine.

- Ça, mon garçon, c'est les Seychelles, notre prochaine escale, le paradis sur Terre... un trou puant qui regorge de toutes les raclures qui se laissent aller à la piraterie sous pavillon Français. Un endroit merveilleux. On va se débarrasser de notre prise là bas, récupérer notre paye, la dépenser puis repartir en chasse. Profitez en Labuse, vous regretterez cet endroit quand vous reposerez le pied à Saint-Malo. »

La Belle Rousse n'était illuminée que par quelques lampes disséminées. Seuls le bruit de la coque fendant l'eau et quelques vois éparses venaient troubler le silence presque mortuaire qui pesait sur la nuit noire

Gérard Bouchard

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Date d'inscription : 01/07/2013

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